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Comment avez vous vécu la crise sanitaire?
Avec beaucoup de stress. Du jour au lendemain tout a changé, c'était brutal. Il a fallu sécuriser notre centre de santé, décommander des patients, gérer des urgences, faire de la télé-consultation, travailler plus d'heures et bien sûr s'informer sur cette maladie que nous ne connaissions pas. Mais entre les informations médicales, mes propres interprétations des premiers résultats, les informations grand public et les nouveaux symptômes c'était très compliqué d'évaluer le niveau de gravité du covid-19. Au début la pression était tellement forte que la question "covid ou pas covid ?" s'imposait pour chaque patient qui présentait des symptômes alors que les symptômes "covid" sont les mêmes pour beaucoup maladies.
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Et chez vous ?
Pendant les premières semaines de cette crise tout mon entourage me demandait des informations sur cette maladie. On me posait pleins de questions mais je n'avais aucune réponse. Je me suis senti impuissante face à cette angoisse. D'autant plus que le message des pouvoirs publics a changé très vite. C'est passé d'une maladie à gérer comme une grippe à une maladie très grave, c'était déstabilisant.
"Des gens confinés pas malades deviennent malades parce qu'ils sont confinés"
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Quelle analyse portez-vous ?
Le focus a été mis sur les soignants de l'hôpital, on les applaudi tous le soirs c'est très bien mais la plupart des patients ne sont pas allés à l'hôpital. Ces personnes, nous n'avons pas pu les tester, nous n'avons pas pu faire de santé de public, nous n'avons pas pu savoir combien de personne étaient vraiment malade en ville. Ceux-là il faut s'en occuper même si ils ne sont pas en 'réa'. Si ce genre d'épidémie se répète, il faudra réagir différemment. Le diptyque: augmenter les plateaux de réanimation et confiner, devra être remplacé par le triptyque: tester, traiter et suivre par des médecins de ville. Les pouvoirs publics n'ont pas donné les moyens aux médecins généralistes de faire leur travail.
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Avez-vous retenu un point positif durant cette crise ?
La sensibilisation sur la prévention, se laver les mains, tousser dans son coude, etc... Nous avons des affiches partout toute l'année pour cette sensibilisation mais ça ne fonctionnait pas. Beaucoup de gens avaient oublier ces gestes simples alors que chaque année il y a une épidémie de grippe saisonnière. Aujourd'hui il y a une prise de conscience collective sur ces gestes et c'est très bien.
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Une appréhension particulière ?
La gestion psychologique. Des gens confinés pas malades sont devenus malades parce qu'ils ont été confinés. Cette phase post-confinement, nous allons la prendre de plein fouet avec mes confrères, nous allons ressentir ce choc psychologique chez beaucoup de nos patients et pendant longtemps.
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L'avenir ?
Je me pose beaucoup de question sur le futur proche. Combien de temps encore allons nous vivre avec le covid ? Y aura t'il une autre épidémie comme celle-ci ? Vont-ils trouver des mutations, des sérogroupes ? Quoi qu'il en soit nous allons garder une organisation comme aujourd'hui, garder la possibilité de recevoir des gens très malades en toute sécurité.